Une nouvelle vie

1.

"Graffiti6 - Free"

Salsa se pencha une fois de plus pour regarder à travers le hublot, toute excitée par ce voyage. Trois heures que l’avion volait et elle avait de plus en plus de mal à tenir en place. C’était du reste un record d’être parvenu à la maintenir tranquille aussi longtemps. Enfin tranquille, tout était relatif. Ce n’est pas ce qu’aurait dit son voisin, un monsieur en costard cravate, du genre distingué et bridé qui depuis le début supportait le visage de sa voisine se penchant de son côté pour regarder à travers le hublot.

Ce dernier du reste, soudain craqua devant les agitations incessantes de la demoiselle à ses côtés.

- Écoutez, échangeons nos sièges, ça sera plus simple. Vous pourrez ainsi regarder par le hublot à votre guise…*et surtout arrêter de me casser les pieds*
- Oh ? vous êtes sûr ??

Elle était déjà debout et le digne monsieur craignit l’espace d’un instant qu’elle lui tombât dans les bras. Il bafouilla quelque peu tandis qu’elle se déplaçait, lui grimpant pratiquement par-dessus.

- Mais attendez, je… arrêtez, il aurait…. Hum il aurait été plus simple si je m’étais levé en premier et ..

Bon voilà, il ne savait pas comment ils avaient fait ça, mais elle était à présent devant le hublot, aux anges visiblement, et lui assis à sa place, put desserrer cette putain de cravate.
Plutôt pendant ce vol qui serait assurément mémorable, il avait eu le droit à la voix de la demoiselle, et bien que celle-ci savait assurément chanter, elle n’était pas scène, ayant sans doute oublié que son casque sur les oreilles ne mettait pas automatiquement une sourdine à sa voix. Ainsi tout l’équipage de ce vol particulier put profiter des dons de chanteuse de cette passagère hors-norme.

Et tandis que le pilote annonçait l’arrivée prochaine à Heaven Islands, il crut que son calvaire allait enfin se terminer. Il choisit donc de demander un verre d’eau à l’hôtesse qui le lui apporta volontiers, histoire de fêter la fin de ce long et pénible vol.
C’est exactement à l’instant où il allait se réhydrater un peu que l’avion tomba dans un trou d’air, perdant quelques centimètres d’altitude.
Aussitôt Salsa hurla et s’accrocha au malheureux, renversant au passage, le verre d’eau sur sa chemise et sur son pantalon.

- Mais enfin !! Mademoiselle ! un peu de tenue je vous prie !
- Votre tenue ? Oh je suis désolée, j’ai eu si peur !! C’était quoi ce truc ? J’ai bien cru qu’on allait s’écraser !
- Mais non voyons, c’était juste un trou d’air.

Salsa le regarda les yeux écarquillés, daignant enfin lâcher son veston.

- Je ne savais pas que l’air avait des trous, dit-elle d’un air perplexe.
- Des ? mais non c’est…. Rah laissez tomber.
- Mademoiselle ? Veuillez mettre votre ceinture s’il vous plait ! intervint l'hôtesse avec son sourire standard, se penchant au dessus de leur sièges.

Ouf, il était sauvé, ils allaient l’attacher et elle se tiendrait peut-être un peu plus tranquille !
Salsa regarda l’hôtesse s’éloigner, bataillant un instant avec cette fichue ceinture pour l’attacher. Quand ce fut fait, elle crispa ses mains sur les accoudoirs et se concentra sur le spectacle d’une île dont ils se rapprochaient.
Elle allait bientôt débarquer à Heaven Island et dieu qu’elle était impatiente !

2.
"Chris Brown - Beautiful People"

- Ouf !

Ça avait été chaud, mais ça y’est, elle y était, elle avait enfin posé les pieds sur la terre ferme. Toute à sa joie, Salsa en oublia les regards qui ne manquaient pas de se poser sur cette singulière jeune femme à la tenue extravagante et très légère qui à peine avait-on ouvert la porte de l’avion s’était précipitée dehors pour hurler sa joie.

- Caaa y’eeeest !!! je suis enfin arrivéeee !!! Heaven Island, me voilàààà !

Et le gars qui menait le véhicule qui transporterait tous les bagages de la soute jusqu’à l’aéroport, freina brusquement quand il la vit traverser devant lui.

- Hey faites attention !
- Mademoiselle ? Le bus est là, vous ne pouvez pas aller dans cette direction.

Salsa se tourna vers l’hôtesse catastrophée qui avait du lui courir après pour qu’elle ne se perde pas sur les pistes de l’aéroport. Elle n’avait jamais vu ça de sa vie, et pourtant elle en avait vu des cas.

- Le bus ? Déjà ?
- Oui, le bus qui va vous mener à votre quai de débarquement.
- Un quai…. ?
- Oui, là-bas regardez !

Salsa se tourna et constatant que l’aéroport était tout proche elle s’exclama avec un sourire.

- Oh mais pas besoin du bus, je peux y aller à pied !
- Mais non ! Vous ne pouvez pas, vous DEVEZ prendre le bus ! C’est interdit de marcher ici.

Salsa fit une grimace, ne comprenant pas du tout l’utilité de ce bus, mais se plia donc aux ordres en haussant les épaules. Et tandis que l’hôtesse s’assurait qu’elle allait bien monter dans le bus, Salsa soudain se retourna :

- Mais ma valise !!!!
- On va vous l’amener, mademoiselle, ne vous inquiétez pas, regardez les écrans pour trouver votre porte de débarquement, et vous saurez ou retrouver votre bagage.

Et la porte du bus, se referma sur le nez d’une Salsa déconfite, tandis que derrière elle, l’on murmurait sans retenue, entre reproches et rires étouffés. Visiblement, c’était la première fois que cette jeune femme prenait l’avion.
Et l’aventure ne faisait que commencer….

Salsa opta finalement pour l’option « troupeau ». Se tenant cette fois à carreau, elle observa ses compagnons de vol, dont le monsieur asiatique qui essayait de mettre le plus de distance possible entre eux. Tous prirent la même direction quand les portes du bus s’ouvrirent. Alors Salsa les suivit, regard attentif à tout ce qu’ils faisaient. Ils s’arrêtèrent un instant devant des écrans de tv ou y étaient inscrits des codes compliqués et des noms….
Mais le temps qu’elle déchiffrât tout cela, les autres passagers s’éloignaient déjà. Alors elle renonça à sa lecture et les suivit encore une fois. Seulement quand elle les vit se planter devant un étrange tapis qui tournait en rond, elle resta franchement perplexe. Qu’est-ce qu’ils attendaient tous ??

Comme eux, elle regarda là-bas, cette petite ouverture dans le mur, comme si la réponse à sa question allait jaillir de là. Et pendant plusieurs minutes, rien ne se passa. Salsa songea à s’écarter pour trouver les WC, mais de peur de ne plus trouver sa valise ensuite, elle prit son mal en patience et attendit…..attendit.
Et puis soudain, par cette fameuse ouverture, une première valise arriva. Le regard de Salsa s’éclaira et elle sourit à sa voisine qui fronça les sourcils et se détourna aussitôt.

C’était donc par là qu’arriverait sa valise. Elles sortirent l’une après l’autre de l’ouverture, et peu à peu les passagers s’emparèrent de leur bagage pour s’en aller. Il y en avait tout plein des valises, des noirs, des grises, des brunes, des étiquettes par ci, par là, et soudain Salsa paniqua. Elle avait acheté sa valise juste avant de partir, et du coup, n’était plus très sûre de la reconnaitre. Comment allait-elle faire ???
Tout le monde se dépêchait de récupérer sa valise avant qu’elle ne reparte dans l’auuutre ouverture, alors quand Salsa soudain reconnut la sienne qui était à deux doigts de repartir, elle s’écria :

- Lààà ma valise !! Vite !!

Et sans attendre l’aide d’un éventuel chevalier servant, elle bondit sur le tapis, traversa la galerie au centre, et s’empara de sa valise à l’autre bout du tapis, juste avant qu’elle ne disparaisse par la seconde ouverture. Victorieuse, elle descendit d’un bond du tapis, se rétablissant magnifiquement malgré ses talons hauts, et se tourna vers les derniers passagers qui la regardaient, éberlués.

- Je l’aii !!! Ouf !

Puis elle se mit en quête d’une sortie. Les aéroports, c’était bien trop compliqué pour elle.

3.

Elle avait trouvé la sortie, enfin l’une des sorties, celle qui donnait sur l’axe principal d’Heaven, d’où arrivaient et repartaient un grand nombre de voyageurs qui soit se retrouvaient à attendre quelqu’un, soit se dirigeaient vers les parkings, soit prenaient le bus, ou encore appelaient un taxi. Une agitation et un brouhaha certain qui lui donnèrent le tournis, tout en la laissant ravie, sourire épanoui, mains serrées sur la anse de sa valise. Mon dieu que cette ville était grande et encore, elle n’en voyait que l’extérieur….

Par où allait-elle commencer ? Elle avait encore assez d’argent sur elle pour passer quelques jours à l’hôtel, de quoi se nourrir et de quoi prendre un taxi….
En attendant de trouver un travail…. Restait à savoir lequel. Même si ça n’avait pas vraiment d’importance, enfin pas pour le moment.

Alors avec cette belle insouciance qui était sienne, Salsa imita les autres voyageurs, s’avança et en voyant un des véhicules présentant le sigle des taxis, et leva la main pour le héler.

- Taxiiiiiiiiiiiiii !! S’époumona-t-elle, en se précipitant une fois que l’un d’eux s’arrêta.

Avant même qu’il fut sorti de sa voiture, elle était assise à l’arrière, sa valise à côté d’elle, large sourire.

- Euh, vous ne voulez pas que je mette votre valise dans le coffre ?
- Ah non non, ça va bien comme ça….
- Bon…euh, c’est où que je vous emmène ?

Ah ça c’était une bonne question. Salsa haussa les épaules..

- Dans un coin où y’a plein d’hôtels !

L’autre fit la moue, il était encore tombé sur un numéro.

- Des hôtels, ma p’tite dame, y’en a partout.
- Hmm…. Et bien roulez, quand j’en verrai un qui me semble bien, je vous dirai.

Le chauffeur haussa les épaules et se mit en route. Quelques kilomètres plus tard, il se dit que celle-là quand même elle battait tous les records. Un véritable moulin à parole et qui s’exclamait dès qu’elle voyait un panneau publicitaire, une grosse bagnole, ou ces pétasses qui se promenaient dans la rue sur Madison. Il crut qu’elle allait finir par lui niquer sa banquette, tant elle s’agita quand il parvint sur Paradise Avenue.

- Làààààààààààà, c’est bon !!! Arrêtez vous !! hurla-t-elle comme si soudain il avait été sourd. Il grommela :
- Ça va, ça va, pas besoin de hurler. Ça vous fera vingt dollars la course.

Ah ben tiens voilà qui calma aussitôt la jeune femme. Elle paya non sans rechigner un truc en espagnol, puis débarrassa son taxi, non sans qu’il profite de la vue tandis qu’elle s’extirpait du véhicule. Il ignorait d’où elle sortait celle-là, enfin peut-être quelque part, entre le Mexique et… bref, il s’en branlait, mais en tout cas, c’était un sacré numéro, ça oui !

>> suite à Paradise Avenue