Visite guidée

<< avant

29.

Les voir ?
Une fois de plus elle le prit de court. Il pensait qu’elle allait lui en vouloir, râler, rouspéter, ou n’importe quoi que ce soit d’autre, et elle voulait en fait juste voir les photos. Elle ne lui demandait aucune explication.
Alors quand elle se leva, lui et David en firent de même.

- Oui, on va voir ce que ça donne. Et bien allons-y avant qu’Ester Sue ne trouve le moyen de me faire renvoyer de ma propre entreprise.

Il rit de sa blague avec David mais Salsa le dévisageait sans avoir l’air de saisir qu’il s’agissait d’une plaisanterie.

- Je plaisante ! Elle ne pourrait pas même si elle aimerait bien. Enfin vous verrez par vous-même. Je suis sûr que vous allez l’adorer.

David secoua la tête.

- Allez, elle n’est pas si terrible que ça.
- On voit que ce n’est pas toi qui travailles avec !
- Ne l’écoutez pas Salsa, il exagère !
- A peine !

Et c’est en continuant de plaisanter ainsi qu’ils se dirigèrent vers la sortie. Ils attendirent que Salsa récupérât son sac et Gary lui tint la porte de la berline qui devait les mener jusqu’aux bureaux de la production, avant d’aller visiter les studios. La journée promettait d’être bien remplie. Mais ils devaient commencer par un petit briefing, sinon Ester Sue allait l’écorcher vif.
Surtout qu’ils étaient déjà en retard.

Dans la voiture, la conversation tourna autour de quelques contrats qui étaient en cours, entre son assistant et lui-même, bien que Gary eut un mal fou à se concentrer, avec Salsa qui s’extasiait dès qu’elle voyait quelque chose sortant un peu de l’ordinaire au plus grand plaisir de David qui à la fin ne cachait même plus son hilarité. Surtout au moment où elle se leva pour se pencher à la fenêtre de l’autre côté de la voiture, et exposa ainsi aux deux comparses, le plus joli fessier du monde moulé dans la plus jolie des petites robes et ça juste sous le nez de Gary.

Un Gary qui sortit précipitamment de la voiture, souffrant d’un brusque coup de chaleur. Il se dépêcha de fait, d’aller ouvrir la portière à son invitée, et c’est non sans fierté qu’il l’accompagna à son bras, jusque dans l’entrée du haut immeuble qui leur servait de base de travail à lui et à tous ses employés.

C’est ainsi que débuta la visite d’Angel’s production.

35.

Salsa était excitée comme une puce ! Et comme à chaque fois, elle ne tenait pas en place. Tout à son ravissement, elle en oublia leur conversation pour regarder autour d’elle, se concentrer sur ce sens là. Alors quand elle découvrit l’immeuble qui accueillait les locaux de l’Angels’Production, elle ne cessa de s’exclamer :

- Alors c’est là que vous travaillez ?

David et Gary hochèrent la tête en même temps, après avoir échangé un regard complice.

- Waouww ! c’est immense, et vous louez des bureaux ici ? J’ose pas imaginer le prix d’un appartement !
- Euh non en fait l’immeuble m’appartient.

Elle dévisagea Gary les yeux ronds. M’enfin il était riche à million lui !

- Tout l’immeuble ?
- Oui, euh et il y a les studios sur l’avenue du cinéma. Je vous y emmènerai tout à l’heure.
- Des studios ?
- Oui pour tourner nos films, nos séries.

Une fois de plus elle le dévisagea avec une expression stupéfaite, puis son visage s’anima, ses yeux étincelèrent et elle se mit à sautiller comme une gamine.

- Ah oui des studios de cinémaaaa !

Elle n’avait pas compris ça comme ça, mais cette nouvelle idée fit rapidement son chemin.

- Alors on va aller les voir ? On va voir où ils tournent des films, des vrais films ? Elle était presque hystérique et tenait à présent le bras de Gary qui ne cacha pas son plaisir devant sa joie.
- Oui oui ! des films, des séries, des clips vidéo. Comme je produis aussi des chanteurs et…
- Ohhh Caraaaamba, c’est … c’est quoi le mot déjà ? Ah oui fantassstique ! Oh quelle chance j’ai !! alors je vais voir des acteurs, des chanteurs !!  des très connus ?

Il rit :

- Oui je crois, nous verrons ça tout à l’heure, d’accord ?
- Ouiiii !

Même David était sous le charme et les accompagna, curieux du reste de la visite, ou plutôt des réactions de la jeune femme. Réactions qui ne manquèrent pas. Ce fut un véritable ras de marée.

A peine dans le hall qu’elle s’extasia devant l’ascenseur de verre et plus encore quand elle découvrit tous les miroirs et cascades. Et il s’en fallut de peu pour qu’elle n’essaya pas de grimper dans l’une des fontaines. Ah c’est sûr, elle fit une entrée remarquée, entre ses cris de joie, et sa façon d’aborder les gens. Elle les salua tous sans exception, serrant même la main du portier qui instinctivement lui rendit son sourire.

Elle se présenta à la réceptionniste alors que Gary avait déjà appelé l’ascenseur, et lui demanda son nom sous l’air stupéfait de la jeune femme qui aujourd’hui occupait le poste. Mais en deux pas, Salsa les avait déjà rejoint.

Quand dans l’ascenseur elle vit qu’il y avait 22 étages, elle voulut savoir à quoi servait chacun, et ne fut pas déçue. Il y avait de tout, de la salle de cinéma intégrée, au restaurant, à la salle de fitness, aux bureaux du personnel d’entretien, à ceux de la sécurité, à des studios photos où ils allaient devoir se rendre plus tard. Sans oublier les très nombreux bureaux administratifs, un étage par section, du cinéma à la télévision, au spectacle, musique, concert et même à la mode et autres produits dérivés.
Inutile de dire qu’elle était très impressionnée.

Ce qui ne la rendait pas timide pour autant. Salsa fit ainsi une autre entrée remarquée dans l’étage des bureaux du patron, puisqu’elle tint à connaître le nom de tous ceux qui travaillaient avec Gary.

Et c’est là qu’elle se retrouva soudain face à Esther Sue. Salsa resta figée un instant devant le regard et l’allure sévère d’Esther, et comme pour les autres lui pris la main pour la secouer et se présenta avec un enthousiasme communicatif…. Ou presque… :

- Bonjour ! Je suis Salsa ! Gary me fait visiter. Et vous êtes ?

30.

De tous ceux qui rencontraient Salsa, Gary était sans doute celui qui était le plus sous le charme, charmé par ses façons sans façon, son incroyable spontanéité, son énergie, son enthousiasme, et un tas d’autres qualités qui lui semblait difficile à toutes énumérer. Il la découvrait à chaque instant un peu plus, et continuait à être persuadé d’avoir trouvé un ange.  Oui, elle serait son égérie et bien plus encore.

Plus encore ? Non ! Gary chassa les pensées insidieuses qui se glissaient dans son esprit pour réaliser que Salsa fonçait tout droit vers Ester Sue. Voilà la rencontre qu’il appréhendait le plus, et en même temps, il était curieux, curieux de voir si la glaciale Sue resterait de marbre face à la jolie tornade. Un choc des titans en quelque sorte, la chaleur de l’impétueuse Salsa contre la froideur de l’implacable Ester Sue. L’image attira un sourire sur le visage de Gary qui attendit avant d’intervenir.

Fidèle à elle-même, Salsa se présenta et osa même saisir la main du rapace de service. Allait-elle se prendre un coup de bec ? Gary hésita entre la protéger d’un éventuel soufflet de Sue, et laisser les choses suivre leur cours naturel.
Il vit Sue retirer sa main, après une légère hésitation, et engorger ses plumes, avant de cracher son venin.

- Qu’est-ce que ça signifie ? Gareth, c’est maintenant que tu arrives ? La réunion a déjà eu lieu. Nous n’avons pas pu ENCORE t’attendre. Un jour tout cela va te retomber sur le coin du nez ! Tu passeras dans mon bureau tout à l’heure pour signer des papiers, les Lions ont accepté le contrat, mais Nina t’en dira plus à ce sujet.

Il crut qu’elle allait partir, ignorant du coup totalement Salsa. Au lieu de quoi elle la jaugea des pieds à la tête.

- Et depuis quand tu emmènes ici, tes dernières conquêtes ?

Là Gary intervint. Il fit un pas, se positionnant pratiquement entre Salsa et Ester Sue, et posa une main amicale sur l’épaule de la jeune femme.

- Je te présente Salsa, la nouvelle image d’Angel’s Production. Elle est là pour visiter les bureaux. Et ce n’est pas ma conquête, ajouta-t-il mordant.

Sue sembla encaisser la nouvelle, jaugea Salsa une nouvelle fois, et avec un sourire ironique, lâcha :

- Pas encore !

Et cette fois elle tourna les talons non sans marmonner quelque chose qui parlait des lubies des hommes. Gary rongea son frein, se retenant de ne pas la virer sur le champ. Il ne pouvait pas se permettre de perdre ses talents de gestion. Mais Nina et Chris intervinrent au bon moment, et prirent l’initiative de se présenter, se lançant dans un véritable interrogatoire, mêlé des compliments pourtant rare de Chris :

- Bonjour ! Je suis Nina Markovitch, responsable marketing d’Angel’s Production.
- Et moi Christopher Harvey, responsable mode et photographie. Sacré trouvaille que vous avez faite là, patron, lança-t-il avec un sourire teinté de malice à Gary. Salsa, vous avez un style tout à fait détonnant !
- Et moi j’adore votre accent ! d’Où venez-vous ?

36.

C’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans un tel endroit, et quel endroit ! Elle enviait tous ces gens assis à leur bureau. Ils avaient un bon travail, gagnaient sans doute un bon salaire, mais surtout avaient une situation stable. Ce qu’elle n’avait jamais connu. Salsa à Cuba, vivait au jour le jour, de très maigres revenus en donnant des cours de danse à des touristes. Mais dans tous les cas, elle n’avait jamais fait d’étude, et avait à peine été à l’école. On ne pouvait pas se le permettre quand avait du apprendre dès son plus jeune âge à se démerder dans la rue. Au moins savait-elle lire et écrire, c’était déjà pas mal.

Elle observa les tailleurs très chics des filles, les costumes cravates des messieurs et trouva qu’ils avaient vraiment beaucoup d’allure. Elle fut ravie de les connaitre tous, de pouvoir évoluer au  milieu d’eux, même si ce n’était que pour une visite. Quelques semaines plus tôt, jamais elle n’aurait envisagé de se trouver dans ce genre d’endroit. A présent, tout lui semblait si différent, la misère de son pays si loin derrière elle.

Aussi quand une sorte de mégère récalcitrante lui fit face, Salsa ne se départit pas de son sourire. Elle avait déjà souvent rencontré ce genre de personne revêche qui  n’avait pas appris à sourire. Ce qui lui donna brusquement une idée, mais elle la mit de côté, pour en parler à son protecteur, enfin, son boss quoi… plus tard quand ils auraient fait le tour de cet immeuble.

Et c’est avec grand plaisir qu’elle répondit aux questions de Mina qu’elle adora au premier coup d’œil et de Christopher qui l’amusa avec ses airs efféminés.

- Je viens de Cuba, et je suis ravie d’être ici !

Elle se tourna vers Chris, regarda ses vêtements impeccables et sa propre tenue, mélange hétéroclite de couleurs, jupe à la découpe tourbillonnante comme elle les affectionnait, avec taille basse qui laissait paraitre son ventre au dessus d’une large ceinture, et un haut avec déchirures par ici et par là, le tout dans une jolie palette de couleurs chaudes. Sans parler de ses bracelets fétiches, de ses colliers et tous ces bijoux fantaisistes dont elle aimait se parer.

- Merci !
Et elle fit un tour sur elle-même.

- Mais vous vous êtes vraiment très classe. Comme Mina, j’adore aussi votre style. Ça me rappelle une série …

Elle cherchait le nom, quelque peu oublié…

- La famille quelque chose..

Chris éclata de rire et compléta :

- La famille Adams ? c’est bien trouvé, et c’est tout à fait ça ! Mina adore le style gothique, mais surtout n’essayez pas de l’imiter !

Sourire de Salsa qui se tourna vers Gary :

- Qu’est-ce que c’est conquête ?

Oui elle avait quelques lacunes dans son anglais, et le sens de ce mot lui avait  échappé. Mais à la façon dont la femme avait prononcé ça, ça ne devait pas être très gentil. Elle vit les autres se détourner rapidement, étouffant pour certains un rire, tandis que Gary l’entraînait plus loin.

- Venez, je vais vous faire visiter mon bureau.
- Ais-je dit une bêtise ?  Pas très sympa votre…votre collègue. Elle devrait apprendre à sourire, dit Salsa amusée, avant de faire un signe de la main aux autres qui la regardaient s’éloigner.
- Gary, on a à parler des Lions, lui rappela Mina.

Et Salsa se demanda ce que Gary allait pouvoir faire avec des Lions…. Elle ne serait pas surprise d’apprendre qu’en plus il en dressait. L’image d’un Gary en tenue de dresseur de cirque, provoqua un nouveau sourire qui soudain découvrit le vaste bureau de Gary.

- Caramba !!! il est ….. il est plus grand que l’appartement de Julio.  Alors c’est ici que vous travaillez ?

Elle partit sans attendre à la découverte de la grande pièce, manipulant les étranges figurines sur les étagères, s’amusant avec un stylo, pour finir par aller s’installer dans le grand fauteuil à qui elle fit faire plusieurs tours.

- Trop biennn ! qu’est-ce qu’il est confortable ! On pourrait même y dormir ! s’exclama-t-elle.

31.

Elle était tout simplement irrésistible et Gary rit derrière sa main tandis qu’elle comparait Mina à la famille Adams. Mais son sourire se transforma en grimace à la question de Salsa. Satanée Ester Sue ! Quel besoin avait-elle eu de lui parler de ses « conquêtes » ?
Voyant que ça amusait les autres, il préféra soudain se retrouver seul avec elle, plantant David dans le couloir, et ne répondant même pas au rappel de Mina.

Gary se dépêcha de refermer la porte de son bureau afin de retrouver une certaine contenance. Ces derniers jours, il perdait un peu trop souvent ses moyens à son goût. D’ordinaire dans une telle situation, il aurait répliqué vertement à Sue, et aurait renvoyé ses collègues à leur boulot. Mais là il était resté bêtement sans voix, voir gêné qu’on affichât ainsi sa réputation devant la jeune femme. Il ne voulait pas, oui c’était ça, il n’avait pas envie qu’elle le prenne pour un coureur. Même si c’était ce qu’il était. Mais avec elle, il voulait être différent…. Essayer tout du moins.

Ce ne serait pas simple, car à peine évoquait-elle la possibilité de dormir dans son fauteuil que lui imagina tout à fait autre chose. Il réalisa du coup que s’isoler avec elle dans son bureau était une très mauvaise idée, et fut tenté de rappeler David…
Il réalisa tout à coup qu’elle lui parlait, et sursauta quand elle posa la main sur son bras.

- Ça va ? Vous êtes fâché ?
- Quoi ? oui oui ça va ! Euh non, je n’suis pas fâché, aucune raison de l’être, pourquoi ?
- Je ne parle pas encore très bien votre langue et certains mots m’échappent, alors je risque de commettre encore quelques bévues.

Il sourit et s’efforça de trouver les bons mots pour la rassurer, sans en dire trop quand même.

- Ne vous inquiétez pas, je trouve même que vous vous débrouillez très bien ! Et non, vous n’avez rien dit de mal. C’est juste qu’Ester Sue a parfois le don de m’irriter…

Comme elle le dévisageait avec ce même regard interrogatif, il craqua :

- Quel besoin avait-elle de parler de ça ?
- Ça ?
- Écoutez, je préfère jouer franc-jeu. Je n’ai pas très bonne réputation avec les femmes. Et Ester Sue a cru que vous étiez ma petite amie. Ou a fait exprès de le sous-entendre.

Il scruta son visage, à la recherche du moindre signe réprobateur et crut qu’il l’avait déçue, mais soudain elle éclata d’un rire joyeux, et s’assit juste en face de lui sur la surface du bureau, attitude effrontée, ou …provocante.

- Oh ce n’est que ça ! Il ne faut pas vous en faire, Gary. Ca ne me dérange pas du tout qu’on me prenne pour votre petite amie.

La façon dont elle le dévisagea, fit brusquement accélérer son cœur. Et voilà qu’elle lissait un pli imaginaire sur sa chemise.

- Et vous, ça vous ennuie ?

Elle lui souriait, regard de biche qui l’envoûtait, et il eut l’impression que la température de la pièce avait brusquement augmenté. Il ressentit le désir de se rapprocher, irrépressible, puissant, de la toucher, saisir sa nuque pour attirer son si joli visage, et embrasser ces lèvres tentatrices.

- Non, dit-il simplement, sur la frontière entre la raison et la folie.
Alors il prit doucement ses poignets et les repoussa, avec un sourire et des paroles pour l’empêcher de tomber dans ce délicieux piège :

- Mais je suis votre employé et dès que vous aurez signé le contrat que je vais vous faire préparer, vous serez mon employée.

Elle se retira aussitôt, mettant de la distance entre eux et ça lui fit mal. Mais c’était ainsi, et ça valait mieux pour tout le monde.

37.

Quelle idiote elle faisait. Salsa se traita mentalement de tous les noms tandis qu’elle s’éloignait, essayant de reprendre une attitude digne d’une employée…. Bien qu’elle ignorait quelle était l’attitude idéale à avoir. Elle savait pourtant qu’il était son nouveau patron ! Qu’est-ce qu’il  lui avait pris de lui faire du plat aussi ouvertement ? Une simple envie peut-être, parce que bon, Salsa était loin d’être en pierre, et Gary, et bien il était loin d’être moche.

Oui mais non ! c’était son patron, et apparemment il souhaitait garder les distances qui semblaient s’imposer entre employé et employeur. Et c’était bien dommage.

Alors comme si l’incident n’avait jamais eu lieu, Salsa reprit sur le même ton joyeux.

- Bon à présent que vous m’avez montré votre bureau, nous pourrions aller voir mes photos ?

Elle marcha vers la porte, ou dansa, le mot était peut-être plus adéquat, puis sourit à Gary qui acquiesça.
Dans l’ascenseur, ils gardèrent tous deux le silence. Salsa songeait à la veille dans la piscine quand il avait une première fois ignoré ses avances, elle se dit qu’elle n’essaierait plus à l’avenir de tenter quoique ce soit. Cette fois elle avait bien reçu le message. Et Gary lui qui se maudissait pour ses idées.

La porte s’ouvrit, et l’instant d’après, Salsa découvrait l’univers de la photographie. C’est avec un immense plaisir qu’elle put voir les clichés qu’on avait pris d’elle, et les commenta dans la bonne humeur avec leur photographe attitré, Llyod Graham. Celui-ci n’arrêtait pas de la complimenter, et la faisait rire par ses commentaires enthousiasmes. Il félicita Gary de son choix et se déclara tout prêt à commencer des séances quand bon lui semblerait. Il n’avait jamais eu un model comme Salsa et si Gary n’était pas intervenu, ils auraient commencé aussitôt un premier shooting.

Mais Gary lui signifia qu’elle reviendrait le lendemain et qu’en attendant, il avait les studios cinéma à lui faire visiter.

Complètement sous le charme de Salsa, avant qu’elle ne quitta le studio photo, il lui offrit ses premiers clichés de la belle, pour le plus grand plaisir de celle-ci qui le remercia d’une bise sonore sur la joue.

- Looyd ! vous êtes géniaaal, lui dit-elle avec son accent si prononcé que son prénom s’en trouva transformé… Ce qui ne parut pas gêner le photographe qui lui fit un petit signe, tandis qu’elle s’éloignait dans le couloir, le nez dans les photos qu’elle venait de recevoir.

C’était la première fois qu’elle se voyait ainsi, ça lui faisait un drôle d’effet.

32.

Gary était stupéfait du résultat. Les photos étaient géniales. A part celles où ils étaient ensembles, là il mettrait son véto, pas question d’utiliser ça. Mais les autres, celles où on y voyait Salsa, c’était une grande réussite, ce que confirma Llyod en le prenant à part, profitant du fait que Salsa admirait d’autres clichés.

- Gary… venez, faut qu’vous l’dise. Cette fille là, c’est une perle, non mieux même, un diamant brut ! Ne la lâchez pas ! Amenez-la moi au studio pour d’autres shootings, ou même en extérieur. Peu importe ! J’ai jamais eu un tel model. Elle est parfaite ! Mais où est-ce que vous l’avez trouvée ?
- Je ne l’ai pas trouvée, c’est elle qui m’a trouvé.

Il sourit, heureux, oubliant le petit incident de tout à l’heure. Soudain Salsa revint à la charge, glissant un bras sous le sien, et tirant pour l’entraîner.

- Alors vous venez patron ? Faut absolument que je voie ces films de studio.
- Studio de cinéma, la corrigea gentiment Gary, et le rire joyeux de Salsa fusa.
- Oui, studio de cinéma ! On y va ?
- Oui, bien sûr, Salsa.

Et après un petit signe à un Llyod encore admiratif, il l’entraîna en direction des studios ou elle fit un malheur, mais cette fois pas dans le bon sens, puisque par trois fois, elle se mit dans le champ des caméras alors qu’ils étaient plein tournage, énervant de fait les metteurs en scène. Gary eut bien du mal à cacher son hilarité. Il finit par l’inviter à aller se restaurer dans un restaurant au bord de la plage, pour le plus grand plaisir de Salsa, mais cette fois, il choisit quelque chose de simple où elle n’eut pas à se casser la tête pour choisir entre les couverts.

38.

Assise à cette petite table de ce sympathique burger food, Salsa mordait à pleine dent dans son sandwich, gloussant parce que de la sauce se barrait sur le côté. Et qu’à ce rythme elle allait en mettre partout. C’était elle qui en avait suggéré l’idée à Gary, qui avait hésité avant d’accepter. Ce n’était sans doute pas l’idée qu’il s’était fait d’un restaurant, mais Salsa pouvait manger sans avoir à se préoccuper de faire des manières. Là c’était tout le contraire.

Et elle rit encore quand elle le vit lui-même bien emprunté pour manger son énorme hamburger. Elle riait encore quand elle lui tendit l’une de ses serviettes, pour lui essuyer le menton.

- Vous avez de la sauce là.

Il lui enleva aussitôt la serviette des mains, et Salsa perdit un peu de son sourire. Ah oui c’est vrai, elle ne devait pas oublier. Il était son patron à présent. Et cela voulait sans doute dire qu’elle n’avait pas le droit de le toucher. Quelle Galère !
Elle jeta un œil sur l’enveloppe qui dépassait de son sac, et évoqua sa visite dans les studios de cinéma :

- C’était vraiment chouette cette visite. Encore navrée d’avoir ennuyé ces gens. Je ne savais pas qu’ils étaient en train de tourner…. En fait j’étais tellement surprise par ce décor. Cette jungle, et même les animaux.
- Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas. Par contre vous m’avez fait peur en approchant des fauves. Même si ce sont des animaux dressés tout exprès, il faut éviter de s’en approcher, sans avoir suivi les consignes des dresseurs.
- Oh… j’ai cru qu’il s’agissait des lions dont vous a parlé Nina.
- Des lions ?

Soudain il sembla se souvenir ce dont elle parlait, et éclata de rire.

- Ah non ces lion’s là, n’ont rien à voir avec les fauves du tournage. Il s’agit d’une équipe de basket ball que je sponsorise.
- Du basket ? Alors vous vous occupez aussi de ce qui touche au sport ?
- Oui, je suis un peu un touche à tout.

Elle lui jeta un regard en coin.

- Presque à tout.

Puis voyant son air stupéfait, elle éclata de rire à son tour.

- Allons, détendez-vous, j’ai bien compris le message. Vous êtes mon patron et moi votre employée… Dites, Gary ?
- ……
- Est-ce que vous pensez qu’un jour je pourrai tourner dans un de vos films ? Oh juste un petit rôle de… comment vous dites déjà ? figurant….. ça doit être vraiment très excitant !

33.

Se détendre, il aurait bien aimé. Oh il passait un très bon moment en sa compagnie, mais elle avait décidément le chic pour provoquer le contact. A vrai dire, elle avait le chic pour le provoquer tout court. S’en rendait-elle seulement compte ? Oui, elle le cherchait, c’était évident, mais il ne voulait pas profiter de la situation, et une fois de plus il la rembarra, se maudissant aussitôt en voyant la mine déçue de Salsa. Mais il ne pouvait pas, il ne pouvait pas se laisser aller, et la traiter comme il avait traité toutes ses précédentes conquêtes. Elle n’était pas juste une belle femme aux courbes tentatrices, non, elle était bien plus que cela.

Gary fit la grimace quand elle se moqua de lui. Si elle savait, si elle savait toutes les secrétaires et autres employées qui étaient passées dans son bureau, ou plutôt sur son bureau, jamais elle n’aurait pensé que le fait qu’il était son patron, enfin pas encore vu que le contrat n’avait pas été signé,  que ce fait donc l’aurait empêché de profiter d’elle. Mais justement, c’était là son problème, il ne voulait pas la rabaisser au même rang que ces autres femmes qui elles savaient parfaitement qu’il était un coureur de jupon. Peut-être devrait-il le lui dire ? Non, il sut aussitôt que l’idée lui déplairait au plus haut point. Il avait envie qu’elle le vît comme quelqu’un de bien…. Oui, c’était ça. Il voulait pour elle devenir un homme bien….
Un homme qui crevait d’envie de l’embrasser là tout de suite.

- Gary ? Oh vous savez, si vous me trouvez cette idée ridicule, vous pouvez me le dire, je ne me vexerai pas.

Elle rit, et il y répondit par un large sourire, sans même y réfléchir. Elle était tellement…. Tellement…
Merde, elle attendait une réponse. Gary jura intérieurement :

- Non non, c’est… au contraire.

*Concentre-toi bordel !*
En fait, soudain il réalisa quelle merveilleuse idée elle venait d’avoir. Et il parvint à oublier son trouble.

- C’est une excellente idée ! Et j’aurai du l’avoir moi-même.

Il lui servit son sourire le plus charmeur, mais elle semblait perplexe. Alors il reprit plus sérieux.

- Faudrait qu’on fasse un essai, je vais voir avec Steve s’il peut me préparer ça…. Oui oui, je vais m’occuper de ça.

En fait il avait même une autre idée, mais il ne voulut pas lui en parler pour le moment. Il devait d’abord voir avec son scénariste préféré.  Salsa sur un grand écran, il était sûr qu’elle était douée….
Mais peut-être n’était-il plus très impartial. Seulement ça, il n’était plus apte à s’en rendre compte.

Ils bavardèrent encore des films qu’elle avait aimé, de ceux dans lesquels il avait tourné, et le temps fila trop vite. Ils quittèrent finalement le burger food,  et Gary songea à la ramener. Il se faisait tard, et elle lui avait dit devoir préparer son numéro pour sa représentation au cabaret.

- Je vous ramène à l’hôtel ?

39.

Elle ne pensait pas qu’il la prendrait au sérieux, mais il semblait enchanté par son idée, ce qui la réjouit d’autant plus. Et déjà elle imaginait ce qu’elle dirait ou ferait dans un film d’aventure, ou dans un film d’action, ou une comédie amoureuse, ce qui pendant un instant lui donna envie de lui demander s’il n’avait plus jamais repassé de l’autre côté de la caméra. Mais pour une fois, elle retint sa curiosité et se contenta de profiter du reste de la soirée.

Mais quand parvenus dehors, il lui proposa de la ramener à l’hôtel, son sourire se volatilisa. Il s’en rendit compte et lui proposa si elle voulait d’aller boire un café avant de rentrer.

- Ou si vous préférez faire autre chose ? Je pensais que vous ne voudriez pas trop tarder, à cause de votre représentation demain.

A oui ! Elle devait se rendre au cabaret, le lendemain au soir. Pour un peu elle aurait presque oublié. Alors elle ne pouvait pas prolonger cette magnifique journée. Il avait raison, elle allait devoir rentrer mais, elle ne put se résoudre à ce qu’il la ramenât à l’hôtel.

- Oui vous avez raison, nous devrions rentrer…..mais….

Elle regarda ses doigts jouant avec ses bagues, rarement empruntée pour demander quelque chose, mais là c’était différent.

- Mais ? Il y a un souci Salsa ?
- Oui, répondit-elle aussitôt, en relevant les yeux pour croiser son regard. Et elle se lança :
- Je ne veux pas retourner à l’hôtel !
- Ah ? Nous pouvons vous en trouver un autre, si vous préférez. Je n’aurai aucun problème pour vous faire réserver une chambre.
- Non, … ce n’est pas ça.

Elle soupira, puis lui fit son regard de biche.

- Chez moi, je ne dormais jamais seule…

Puis devant la mine stupéfaite qu’il faisait, elle réalisa ce qu’elle venait de lui dire, enfin ce qu’il pouvait comprendre.

- Non, non je ne veux pas dire avec un homme dans mon lit chaque nuit.

Elle éclata d’un rire joyeux.

- Non juste que… c’était difficile de se loger, alors on s’est toujours arrangé avec des amis, des copines, pour partager un studio, un appart, on s’est même retrouvé  à plus de dix pour dormir dans une même chambre, en tout bien tout honneur bien sûr hein ? N’allez pas imaginer des choses.

Salsa lui glissa un regard en coin, et retint un rire devant son expression.
Elle reprit, plus sérieuse :

- Je n’ai jamais dormi seule, j’ai toujours eu de la compagnie, et …. Ça me manque…
- Mais je…euh….
- Vous avez une grande maison, Gary, et vous avez dit que nous étions amis, alors peut-être que je pourrai dormir chez vous ?

L’idée ne semblait pas le réjouir du tout. Elle fit la moue, puis soudain comprit.

- Je vous promets que je serai sage ! Je ne vous embêterai pas ! Je prends très peu de place ! Je m’occuperai moi-même du ménage, et si vous voulez je vous préparerai les tartines pour le petit déjeuner…… Alors ? Dites ouiiii ! Allez Gary !! S’il vous plaiiit !

34.

Gary était mortifié. Ce qu’elle lui demandait là, c’était…. C’était tout simplement impossible. Se rendait-elle compte de ce qu’elle lui demandait ? Non, absolument pas, quoiqu’il n’en fut pas si sûr quand elle lui promit de rester sage. Bon sang, sage… et lui ? Allait-il le rester ? Même là devant lui avec ses grands yeux de biche, il avait du mal à se contenir. Alors dormir sous le même toit ! Pourtant, l’idée était si séduisante, si tentante. Oh la vilaine, c’était un ange oui, mais un ange qui cachait une petite diablesse.

Et puis que penseraient les autres ? David ? Putain,  il n’en avait jamais rien eu à branler de ce que les autres pensaient. Et elle, elle voulait juste ne pas rester seule. Comment pourrait-il lui refuser ça ? Lui qui avait une maison plus grande que ce qu’elle n’avait jamais imaginé ? Lui qui vivait dans le luxe….et elle qui n’avait connu que la misère de Cuba.

- Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, je crois même que c’est une très mauvaise idée, finit-il par dire.

Et voyant son expression, il se ravisa aussitôt.

- Mais vous avez raison, il y a assez de place chez moi !
- Ouiiiii !!

Et pour son malheur ou son plus grand plaisir, il la vit bondir sur place, alors qu’elle faisait part de sa joie à la terre entière, faire une pirouette et l’accueillit dans ses bras, tandis qu’elle lui sautait au cou pour l’embrasser, sur la joue. Pendant un instant, il avait cru que…..Il jura intérieurement en se traitant d’imbécile. Il n’aurait jamais du accepter, mais… il ne pouvait pas revenir en arrière à présent. Et sa joie faisait tellement plaisir à voir.

Comme il n’avait pas réagi, elle se détacha de lui et s’excusa aussitôt.

- Pardon…..hum…. bien alors…. Si nous rentrions chez nous ? Lui dit-elle avec un sourire si charmant qu’il craqua définitivement.

Chez eux…..
C’est dans un état second qu’il conduisit jusqu’à … « chez eux », et il était encore assis au volant quand Salsa jaillit de la voiture pour se précipiter vers la maison, en chantant, toute à sa joie. Il ne put que l’admirer sous le faisceau des phares.

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