Dans la rue...

<< avant

14. "Suavemente - Pit-bull feat J-Lo"

Sa quête d’une boîte de nuit sympa avait fini par porter ses fruits. Elle se trouvait devant l’immense enseigne lumineuse d’un night club, et qui promettait ce soir une spéciale soirée Salsa et tropicana. N’était-ce pas un signe ? Elle rit et s’avança dans la foule, parmi ceux qui attendaient leur tour pour entrer. Il y avait du monde, et elle dut prendre son mal en patience.

Quand enfin elle se trouva devant une véritable armoire à glace, un type qui devait mesurer dans les deux mètres, elle lui offrit un large sourire, tandis que déjà la musique leur parvenait, un truc vraiment rythmé à souhait qui lui donnait déjà envie de se trémousser.

- Votre invitation s’il vous plait.
- Mon invitation ?

Le gars désigna du menton, une affiche qu’elle n’avait pas remarqué jusque là. C’était écrit soirée V.I.P. Mais pour elle, ça ne voulait rien dire. Elle secoua la tête.

- Et alors ?
- Alors pas d’invitation, pas d’entrée.

Elle remarqua seulement à cet instant que toutes les autres personnes détenaient un carton blanc en main. Déçue, elle n’avait pourtant pas encore renoncé.

- Mais pourtant je me débrouille plutôt bien sur une piste de danse… ça serait bête qu’à cause d’un carton, vous ne me laissiez pas m’amuser un peu. Et puis je viens d’arriver, j’ai un contrat à fêter et..
- NON, pas d’invitation pas d’entrée.

Ah il était du genre borné lui. Salsa se renfrogna un instant, s’écartant de la file pour laisser les autres passer. Elle n’aimait pas du tout ce genre de chose, lui refuser le droit de danser, c’était comme si elle refusait à un enfant de s’alimenter. ET bien Salsa aussi pouvait se montrer bornée !
Il ne voulait pas la laisser entrer ?
Qu’à cela ne tienne, elle danserait ici, après tout, la musique était tout à fait audible, même si le dancefloor laissait un peu à désirer, ce n’était pas plus gênant que ça….

Et sous le regard sidéré de ceux qui attendaient encore, Salsa se mit à danser, sans façon, sans aucune gêne, se contorsionnant de belle manière, provoquant des exclamations, rires et nombres de commentaires. Mais elle s’en moquait, tout à son plaisir, sa provocation, et ses pas de danse. Elle ondulait sous les airs ébahis de l’armoire à glace qui ne savait plus comment faire pour gérer ce cas. On ne lui avait encore jamais fait un coup pareil.

A présent elle provoquait une cohue dans l’entrée du night club, les clients n’étant soudain plus pressés d’entrer, trop occupés à regarder ce phénomène de bonne femme qui dansait là, se moquant du reste du monde. Le gars s’avança vers elle pour lui dire de dégager mais elle esquiva son approche d’un gracieux pas de danse, sous les rires de la foule. Bon ok, il lui fallait d’autres arguments, il appela grâce à son téléphone, la sécurité à l’intérieur.

Et tandis que les caméras à l’entrée pointaient dans sa direction, les clients qui attendaient intercédèrent en faveur de la jeune femme.

- Allez, laissez-la entrer
- Ouais, elle a mérité son invitation s’esclaffa un autre.

Mais Salsa s’était lassée de ce petit jeu, et puis voyant d’autres types à travers les portes vitrées se diriger vers elle, elle se dit qu’elle avait assez joué avec les nerfs de l’armoire à glace et avec un petit signe pour son public improvisé, elle continua sa route en direction de la plage. Elle trouverait bien un endroit qui ne réserve pas ses entrées à des V.I .P.

9.

Il ne pouvait pas rester dans sa chambre à ruminer d’étranges idées et surtout toutes ces images qu’il avait d’elle, cette discussion dans l’ascenseur, son entrée dans le hall, elle et encore elle. Non, il lui fallait penser à autre chose, et pour s’y aider, il décida de descendre au bar pour se prendre un dernier verre avant d’aller dormir. Et essayer de ne pas imaginer toutes sortes de scénario où il irait la rejoindre. Elle devait déjà le prendre pour un fou, alors il n’allait pas en rajouter. Tandis qu’il s’asseyait au bar, il secoua la tête non sans un sourire amusé et murmura :

- Quel con !
- Pardon ?
- Ah non pas vous…. Oubliez ! dit-il au barman auquel il commanda un whisky avant de sortir son téléphone et de composer un numéro.

Ce n’est que quand David décrocha qu’il réalisa ce qu’il était en train de faire.

- Hmouais….’lo ?
- David ? Ah tu es là, heureusement.
- msieur Chadway ?
- Ouais, devine qui je viens de voir.
- ….mbll… mais quelle heure est-il ?
- L’heure ? euh, presque minuit.

Il entendit un chapelet de jurons à l’autre bout du fil et fronça les sourcils.

- David, toujours là ?
- Ouais, toujours dans mon lit…. Qu’est-cquis’passe ?
- Je l’ai rencontré !
- Mais qui donc ?
- Elle, la fille de la météo.. Salsa !
- La fille de la m… mais enfin monsieur, vous avez vu l’heure ?
- David, tu viens de me la demander ! c’est quoi ton souci avec l’heure mon vieux ?

Il entendit un net soupire, puis David marmonna un truc, mais Gary était bien trop dans son histoire avec Salsa pour réaliser qu’il avait peut-être réveillé son assistant.

- Je te dis que j’ai vu
- Oui j’ai entendu … Salsa, vous m’appelez à minuit pour me dire que vous l’avez rencontré ….
- Ouais, elle est terrible, tu peux pas imaginer.
- A vrai dire là j’imagine plus me rendormir dans mon oreiller sous ma couette.
- Oh !
- Ouais je sais ça peut vous paraître bizarre, mais y’a des gens qui dorment à cette…..heure….

Mais un déclic s’était fait entendre sur la ligne. Gary avait brusquement raccroché et David fixait son téléphone d’un air stupéfait. Non seulement son patron l’appelait au milieu de la nuit pour lui parler d’une fille, mais en plus il lui raccrochait au nez ! Il jura de nouveau et après avoir reposé son téléphone sur la table de chevet, s’enfonça la tête dans son oreiller, en espérant que Chadway ne le rappellerait pas avant le lendemain.

Et si Gary avait brusquement raccroché, c’est qu’il venait de voir Salsa quitter l’hôtel. Alors aussitôt il avait quitté l’hôtel à son tour. Seulement il ne pouvait pas lui filer le train comme ça. Il lui fallait jouer quelque chose de plus discret, pour pouvoir l’observer sans risquer d’être reconnu, sans quoi c’est sûr, il allait très vite se faire griller. Alors il héla un taxi et une fois assis il dit au chauffeur :

- Suivez cette femme !
- Quoi ?
- Là, la jeune femme qui vient de traverser la rue !

Le chauffeur se tourna vers son client, perplexe.

- Elle est à pied !
- Oui et alors ?
- Et alors nous on est dans un taxi. Si vous voulez la suivre, devriez tenter d’y aller à pied, vous z’aussi. Enfin j’dis ça…
- Ok.

Et Gary sortit de son portefeuille un billet de cent dollars.

- Suivez-là et sans discuter s’il vous plait.
- Bah
- C’est un bonus, je vous payerai la course à part
- Dans c’cas ! Allons-y !

Et le chauffeur non sans secouer la tête, remit le moteur en route et roula au pas, en serrant le trottoir tant qu’il pouvait, essayant de ne pas perdre de vue la jeune femme qui avançait tout de même à un bon ryhtme. Et après plusieurs mètres de ce numéro digne d’un film, Gary lui donna l’ordre de s’arrêter.

- Là, elle vient de prendre cette rue !

Le taxi vira à son tour, et il freina quand la fille s’arrêta devant la boîte du Salsa Tropicana. Voilà qu’il se laissait lui aussi prendre à ce jeu de filature et tout comme son client, il se pencha pour observer ce qu’elle faisait et bientôt tous deux purent assister à un numéro de danse en direct à la plus grande surprise de l’un et de l’autre.

- Ben dites-donc, votre copine, elle s’gêne pas ! Vlà qu’elle danse comme ça, d’vant tout l’monde… et Ell’bouge plutôt bien !

Et puis tout à coup une énorme secousse les projeta vers l’avant.

- Bordel de merde ! hurla le chauffeur du taxi avant de bondir hors de son véhicule. Ils venaient de se faire emboutir par un autre automobiliste qui avait sans doute été distrait par une certaine danseuse.

Alors Gary laissa le billet de cent dollars plus quelques dollars de plus pour la course. Et tandis que Salsa terminait son petit numéro, il quitta le taxi pour la rejoindre. Mais déjà elle s’éloignait alors qu’il avait imaginé qu’elle allait entrer dans la boîte. Il avançait donc à présent à découvert, mais il se moquait tout à coup de savoir si on allait le reconnaitre ou pas. Il devait lui parler, c’est tout ce qu’il savait.

15.

Salsa chantonnait doucement le même air qui l’avait fait danser tout à l’heure. Tout de même, en ce moment elle devrait être en train de danser dans cette boîte et pas là à se promener dans les rues d’Heaven Island. Surtout que c’était exactement le genre de musique sur laquelle on pouvait, enfin elle pouvait danser des heures. Il ne lui restait plus qu’à trouver un autre endroit, mais elle commençait à croire qu’elle allait passer la soirée à marcher plutôt qu’à danser. Et ces chaussures qu’elle venait d’acheter lui faisaient mal aux pieds.
Alors elle s’arrêta soudain et les retira pour se promener pieds nus, chaussures à talon à la main.

- Ah oui, c’est nettement mieux comme ça !

Et elle continua en fredonnant à nouveau cette chanson qui allait lui trotter toute la nuit dans la tête.
Elle marcha ainsi pendant une vingtaine de minute sans réaliser qu’elle s’éloignait peu à peu de l’animation du centre ville quand soudain un bruit de pas qui choute dans une canette la fit se retourner. Quelle ne fut pas sa surprise de reconnaitre le type de l’hôtel à dix mètres à peine derrière elle. Elle fronça les sourcils et fit aussitôt demi tour pour aller se planter face à lui.

- Vous !
- Je… je suis désolé mais
- Vous m’avez suivi !!
- Oui, mais je peux vous expliquer.
- Vous êtes un flic ??
- Pardon ?
- Et Laetitia est dans le coup. Vous me surveillez !!
- Non pas vraiment. Si vous me laissiez vous expliquer, je vous assure que ce n’est pas ce que vous croyez !
- Quoi qu’un type me suive depuis que je suis arrivée, lise son journal à l’envers, prenne le même ascenseur que moi et là ! Je suis sensée croire quoi ? Je vous préviens, je suis armée !
- Quoi ?? mais nonn ! je ne vous veux aucun mal je vous…

Et là soudain la situation prit un tout autre tournant. Une bande de trois jeunes auxquels ni Salsa ni son suiveur n’avaient fait attention, déboulèrent sur leur gauche, couteau au poing et menaçant, bousculant Gary qui se retrouva plaqué contre le mur tandis qu’un autre menaçait Salsa d’un revolver.

- Le fric ! Donnez-nous tout vot’fric ! Grouille putain ou j’tue ta gonz !
- Je ne suis pas sa gonz ! Du con !

Et sans que l’autre n’ait eu le temps de répliquer, Salsa avait envoyé balader son arme en donnant un rapide et violent coup de pied sur son poignet dans un mouvement souple qui laissa Gary stupéfait. L’autre voulut s’en mêler avec sa lame, mais Salsa lui balança aussitôt un autre coup de pied, lui faisant perdre son arme. Restait le troisième qui regarda Gary puis Salsa mais se débina aussitôt sans demander son reste. Salsa réagit tout aussi vite et s’empara du flingue qu’elle pointa sur son propriétaire et de fait, le chef de la bande.

- Toi et tes amis cassez vous ! Je sais parfaitement me servir de ça aussi. Tu veux que je te montre ?

L’autre secoua la tête et se mit à courir sans même attendre son comparse. Salsa les regarda s’éloigner puis regarda son arme. Elle fit trois autres pas et non sans avoir effacé les empreintes de la crosse avec un bout de sa jupe, la balança dans une benne à ordure, avant de revenir vers son espion.

- Est-ce que ça va ?

10.
"Ost Finding Neverland"

Si ça allait ? Gary était sous le choc, non pas à cause de cette agression par ces connards, mais à cause de ce qu’elle avait fait, et il se demandait quelle surprise cette fille allait encore lui réserver après ça. Il la dévisageait sans ouvrir la bouche, comme s’il avait un ange face à lui, revoyant en boucle les images de cette magistrale intervention…divine ? Il allait finir par y croire à son ange de rédemption.
Elle n’avait même pas eu peur, même pas tremblé, et même ses gestes pour les désarmer avaient été gracieux, comme une suite à cette chorégraphie qu’elle avait entamée sur le trottoir devant cette boîte de nuit. Une danse magique qui en deux coups de pieds et quelques mots avaient mis en fuite leurs assaillants.

- Monsieur ?

Il réalisa qu’il avait décroché, mais c’était elle qui lui faisait cet effet, l’impression d’avoir quitté sa routinière réalité pour atterrir dans un monde complètement fou, léger, virevoltant et enivrant. C’était elle, surréelle si belle, un ange qui venait de le transporter dans cet autre monde, et il eut bien du mal à revenir.

- Vous êtes incroyable… murmura-t-il.
- Est-ce que ça va ? vous faites une drôle de tête.

Il rit, juste un peu, regard toujours rivé à elle, comme si en se détournant, elle aurait pu soudain se volatiliser, s’envoler…..

- Normalement c’est moi qui devrais vous poser cette question. Ha oui, mon image de mâle dominant va en prendre un coup. Vous imaginez ? Si le public apprend ça…. Une belle jeune femme sauve un gars qui était trop abruti pour faire quelque chose. Vous les avez mis en fuite…
- Oui quand on tient un revolver en main, on possède tout de suite plus d’autorité.
- On aurait dit que vous aviez fait ça toute votre vie ! Il souriait, encore ébahi par la prouesse.

Elle haussa les épaules.

- Quand on vient d’où je viens, savoir se défendre est primordial pour survivre. J’ai appris très tôt, voilà tout.
- Je vois…… et moi qui m’inquiétais pour vous. Il rit.
- Pour moi ? Vous vous inquiétiez ? Mais pourquoi ? Qui êtes-vous ? Et pourquoi me suiviez-vous ?

Il lui sourit, et fut tenté de lui prendre la main, mais il vit qu’elle restait encore très méfiante. Alors il laissa retomber son bras le long de son corps.

- Je vous dois une explication c’est sûr…. Mais pas ici, je ne tiens pas à voir ces imbéciles revenir en plus grand nombre. Même si à présent j’ai un ange-gardien qui veille sur moi.

Elle sourit enfin à cette répartie et ce sourire lui réchauffa le cœur. Elle était vraiment jolie.

- Accepteriez-vous de boire un café quelque part ? Et je vous promets de tout vous expliquer.
- Un café ?

Elle semblait hésiter….

- D’accord… si vous répondrez alors à toutes mes questions.
- Avec grand plaisir !

Elle lui sourit encore et Gary mit un instant avant de se décider à appeler un taxi. Il lui ouvrit la porte quand il se présenta, monta juste après elle et donna l’adresse d’un café sympa sur Madison Avenue. Quand le Taxi se mit en route, il se tourna vers elle et la remercia :

- Au fait, je ne vous ai pas remercié pour tout à l’heure. Vous m’avez sauvé la vie ! Je vous en serai éternellement reconnaissant. Merci Salsa.

16.

Salsa haussa les épaules.

- Pas de quoi ! Vous en auriez fait de même, sans doute.

Elle le regarda rire tandis qu’il lui répondait :

- Encore faudrait-il que j’aie le même coup de pied. Magistral, comment vous avez fait ça. Surtout sans les chaussures ! Je n’ose pas imaginer le résultat si vous aviez gardé vos talons. Le type aurait eu un trou dans la main.

Bon d’accord, cette fois ce fut à elle de rire, amusée par l’image évoquée.

- Je les avais enlevées, ce sont des chaussures neuves et elles me font un peu mal au pied.

Elle en profita pour les remettre, se contorsionnant pour y parvenir sous le regard amusé de son voisin de siège. Quand elle eut terminé, elle se redressa sur son siège et le dévisagea.

- Mais tout ceci ne me dit pas pourquoi vous me suiviez.

Le taxi s’arrêta soudain, coupant court à la question, mais elle n’allait pas renoncer aussi facilement. Elle le regarda quitter le taxi après avoir payé la course et tandis qu’elle en faisait de même, il l’attendait patiemment pour la guider vers le café. L’endroit était à cette heure plutôt désert, mais heureusement encore ouvert. Elle choisit une des tables devant les grandes baies vitrées pour s’installer et le regarda s’installer juste en face d’elle.

- Bon alors je vous demandais si…
- Café ou autre chose ?
- Euh.. non un café ça ira, merci.

Elle attendit cette fois qu’il eut passé commande pour démarrer l’interrogatoire. Car elle ne lui épargnerait rien ! Quand ils furent servis, il lui posa soudain une question :

- Est-ce que vous êtes croyante Salsa ?

Elle haussa les sourcils, surprise par la question. Mais c’était qui lui ? Faisait-il partie de ces illuminés qui poursuivaient les brebis égarées en vue de les ramener dans le troupeau, le droit chemin, ou quelque chose du genre ? Pourtant à le regarder, il n’avait pas l’air d’un bigot. Et puis zut, c’était à elle de poser les questions. Elle marmonna donc :

- Je ne sais pas trop, un peu sans doute.
- Alors je suis comme vous, peut-être même pas du tout convaincu, enfin j’étais comme ça avant
- Avant ?
- Avant l’accident.
- Vous avez eu un accident ?
- Non.. j’ai provoqué un accident. Deux personnes sont mortes par ma faute. J’avais bu.

Voilà qui la laissa encore plus perplexe, presque désolée pour lui, ce n’était pas tant qu’elle avait l’habitude de compatir à la douleur des coupables. Mais visiblement il portait le poids de sa faute lourdement sur ses épaules, à voir l’expression de son visage et au ton de la voix qu’il avait utilisé.

- Je suis désolée, lui dit-elle platement, parce qu’elle ne savait pas trop quoi dire d’autre.
- Pas autant que moi, pas autant que moi…. Mais depuis j’essaie de me racheter, je fais tout pour… pour donner une chance à ceux qui n’en ont pas eu, j’essaie…. J’essaie de compenser comme je peux les deux vies que j’ai ôtées..

Elle s’agita, véritablement émue par ces aveux. Roh mais qu’est-ce qu’il voulait lui ? la faire pleurer ? Et dans ces cas, Salsa fit ce qu’elle avait toujours fait, consoler ceux qui avaient de la peine. Elle prit sa main qu’elle serra dans la sienne.

- Je comprends…. Je sais que parfois on aimerait changer les choses du passé, mais voilà, il faut apprendre à faire avec. Et souvent les erreurs aussi lourdes soient-elles nous apprennent à devenir meilleur.

Voilà qu’il la dévisageait bizarrement à présent. Quoi, qu’avait-elle dit de si bizarre ?

11.

Gary la dévisageait, admiratif. Il n’avait jamais cru en un dieu jusqu’à cet accident, mais depuis les choses avaient changé. Il avait prié, espéré qu’on lui laissa une chance de racheter sa double faute et c’était pour cette raison qu’il s’était fait tatouer un ange sur son omoplate, l’ange de la rédemption, une chance de pardon, peut-être, tout un symbole. Et là, à cet instant il savait qu’il avait cet ange en face de lui. Elle lui avait sauvé la vie, doublement, et à présent qu’il lui avouait ce passé qu’il n’évoquait jamais autrement, elle montrait tant de compassion. Une compassion qu’il ne méritait pas.

Il retira ses mains et lâcha un rire désabusé.

- Vous êtes trop gentille Salsa. Je ne mérite pas votre compassion..
- Si vous le dites.

Il la regarda, mais elle lui souriait d’une façon qui démentait totalement ses paroles.

- Mais ça ne m’explique pas pourquoi vous me suiviez. Et le rapport avec votre histoire…

Il lui répondit avec un sourire en coin.

- En fait au départ,… comment dire. Je suis propriétaire d’une grande maison de production, la Angel’s Production. L’une de mes assistantes, ma responsable marketing a eu l’idée de trouver une personne dont le visage représenterait mon entreprise. Il nous fallait une personne qui … qui évoquerait l’esprit que j’essaie de donner à Angel’s Production, l’espoir, la jeunesse, la joie…. Beaucoup de choses qui vous correspondent Salsa. Du talent aussi, tout cela à la fois. Nina m’avait proposé une personne, mais elle ne collait pas à mon idée, ça ne correspondait pas du tout. Et puis je vous ai vue à la météo
- Météo ??
- Oui vous êtes passée sur la chaîne des nouvelles. Ils vous ont filmée tandis que vous dansiez dans cette fontaine.

Il rit en voyant sa mine stupéfaite et enchaîna :

- Alors quand je vous ai vue.. j’ai su que ce visage c’était vous…. Et depuis que je vous observe que j’apprends à vous connaître, je réalise que c’est bien plus que ça encore…. Vous êtes un Ange Salsa, mon ange de rédemption.

Voyant son malaise, il rit et passant une main derrière sa nuque, il s’excusa.

- Je dois vous paraitre complètement dingue, sans doute.
- Disons que je trouve que c’est très exagéré, je suis loin d’être un ange.
- Si vous le dites, rétorqua-t-il empruntant exactement ses mots, et lui offrant le même sourire peu convaincu de ses dires.
- Mais pourquoi ne m’avez-vous pas parlé dès le départ, au lieu de me faire peur à me suivre ainsi ? J’ai cru que.. je ne sais pas.. que la police me faisait suivre. Et comment connaissez-vous mon prénom ?
- Disons que je possède les moyens d’obtenir les renseignements que je souhaite et puis… j’ai écouté votre conversation avec la fille de la réception.

Il rit en la voyant secouer la tête.

- Mais vous aussi, vous m’avez bien eu avec le journal ! Je me suis grillé comme un bleu.

Il fut heureux de l’entendre rire à son tour.

- Elle m’a dit pour vous…. Que vous étiez acteur et producteur. J’ai cru qu’elle avait tout inventé. Alors comme ça vous êtes célèbre ?

Grand sourire de Gary qui nia avec des gestes de la main.

- Célèbre, c’est vite dit. Disons que quand on manipule beaucoup d’argent, oui, ça vous rend vite célèbre. Mais ma célébrité d’acteur n’est plus par contre. Ça fait longtemps que je ne tourne plus, je préfère à présent être derrière la caméra que devant.
- Oh vous faites des films ?
- Oui oui , tout à fait ! je produis et parfois je réalise, tout dépend des scénarios qu’on me propose.

Il s’amusait beaucoup de voir ses réactions et lui suggéra aussitôt.

- Je vous ferai visiter tout cela, enfin si vous le souhaitez. Et si je ne vous ai pas parlé plus tôt, je vous fais encore une fois mes excuses. Je ne voulais pas vous effrayer. Il fallait que je vous voie, il fallait que je vous connaisse un peu plus, avant d’être sûr. Même si à vrai dire, j’ai su dès le départ que vous étiez la personne qu’il me fallait. Mais nous aurons tout le temps d’étudier ça. Après tout, vous venez d’arriver et si j’ai bien compris, vous avez déjà décroché un job ?

17

Ah ouiiii visiter sa maison de production, ça lui plairait beaucoup, c’était certain mais bon. Cet homme était fou ! Complètement fou !! Mais elle l’aimait bien….
Il ne faisait pas les choses comme tout le monde, il avait des idées bizarres notamment cette histoire d’ange. S’il savait…. Mais malgré tout, il lui était sympathique. Voilà qui changeait de son opinion au départ quand elle le prenait pour un espion de la police. Elle s’amusa de sa bêtise. Un producteur, c’était vachement mieux ! Ah et un ex acteur aussi !

Mais elle n’avait pas tout compris ce qu’il lui voulait. Il avait parlé de leur prêter son visage, mais elle se doutait que c’était encore une de ces expressions qu’elle ne saisissait pas encore.

- il fallait que je vous connaisse un peu plus, avant d’être sûr. Même si à vrai dire, j’ai su dès le départ que vous étiez la personne qu’il me fallait. Mais nous aurons tout le temps d’étudier ça. Après tout, vous venez d’arriver et si j’ai bien compris, vous avez déjà décroché un job ?

La personne qu’il lui fallait. Qu’entendait-il par là ? Roh elle n’y comprenait rien, mais bon il abordait soudain un sujet sur lequel elle ne pouvait pas ne rien dire.

- Oui en effet ! Au Angel’s Cabaret !
- Ah vous voyez !!

Elle regarda autour d’elle :

- Non, quoi donc ?
- Et bien le nom du cabaret !
- Ah oui, Angels…
- C’est un signe !
- Un signe de quoi ?
- Que vous êtes un Ange
- Roh mais arrêtez de dire des bêtises. Je ne suis pas un ange et c’est très bien ainsi.
- Bon d’accord, j’arrête de vous embêter avec ça. Et donc ce job ?
- Et bien je vais chanter et danser deux fois par semaine au cabaret.
- Oh mais c’est magnifique !
- Oui !! vraiment ! je ne pensais pas décrocher un contrat si vite.
- Je viendrai vous voir.
- Ah

Salsa sourit, mais elle ne savait pas si elle devait s’en réjouir ou pas.. Après tout, il était bizarre ! Ne l’oublions pas.

- Enfin sauf si ça vous ennuie, bien sûr.
- Non non bien sûr que non….
- Et donc hormis ces deux soirs par semaine de représentation, vous ferez quoi ?
- Laetitia m’a proposé de travailler à l’hôtel.
- Laetitia ?
- Oui la réceptionniste !
- Ah oui je vois….. et vous allez accepter ?
- Oui je pense que oui !! ça complèterait parfaitement le reste et je pourrai sans doute bientôt me trouver un petit appartement et…
- N’acceptez pas.
- Pardon ?

Bon il allait lui sortir quoi à présent ? Que dieu ne voulait pas qu’un ange travaille ?

- Ça n’est pas pour vous ! Regardez-vous, vous êtes bourrée de talent !

Elle se regarda, et puis comprit soudain que c’était encore une façon de parler… pfff..

- Mais je n’ai rien fait d’autre que de marcher ce soir et.danser...
- je sais, il souriait, vous oubliez que je vous ai suivie...
- …. Oh alors vous m’avez vue ?
- Oui, devant cette boîte ce soir, et votre numéro a même coûté le pare-choc de mon taxi.

C’était quoi ça ? encore une expression étrange ? Dans le doute, elle acquiesça

- Je vois…. Mais je dois gagner ma vie pourtant, ce n’est pas avec deux cent dollars par semaine que.
- Je vous en propose cinq fois plus, si vous acceptez ma proposition. Et à part votre temps de représentation.

Salsa écarquilla les yeux…Sa proposition ? Mais que lui avait-il demandé ? Ah oui, cette histoire de visage.

- Vous voulez que je vous prête mon visage pour milles dollars par semaine ?
- Pour commencer seulement !
- Excusez-moi monsieur mais…
- Appelez-moi Gary…
- D’accord monsieur Gary…mais je n’ai pas compris ce que vous attendez de moi, ce que je devrai faire pour une telle somme.

En fait elle commençait à croire qu’il y avait peut-être une histoire louche là-dessous, et elle se méfiait.

12.

Il avait lancé cette offre sans trop réfléchir, après tout, peu importait la somme, seule la finalité comptait. Elle devait travailler pour lui, faire partie de l’équipe ? L’accompagner, et oui aussi représenter la boîte. Elle était parfaite, même son accent, il le trouvait parfait et il était très heureux de l’avoir trouvée, même s’il le sentait bien, elle était encore très méfiante envers lui. Il ne pouvait lui en vouloir, conscient que son comportement devait le faire passer pour un véritable cinglé. Il n’y avait pas été de main morte en lui déballant toute son histoire et même cette idée fixe qu’il avait concernant cet ange. C’était peut-être sa façon de garder espoir pour la vie, de soulager un peu le poids de cette culpabilité qui était la sienne.

Il lui sourit tandis qu’elle s’inquiétait de ce qu’il attendait d’elle. Là, il n’allait pas déconner. Il l’avait assez bousculée comme ça. Il lui fallait lui faire une proposition concrète et honnête. Alors il lui expliqua.

- Pour commencer, il s’agirait de quelques photos je pense. A voir avec Mina. Un shooting, des affiches ici et là. Et après nous verrons comment utiliser ça autrement dans le marketing. Peut-être, créer un parfum.
- Un parfum ?
- Oui, c’est le truc qui plait toujours ça. Bon ok, on serait déjà sur la vente de produits dérivés, avec un rappel, un dénominatif qui ramène à l’entreprise. Une sorte de publicité déguisée. Nous faire connaitre encore plus de manière différente. J’aime toucher à tous les marchés, et pas que le cinéma même s’il reste mon intérêt premier.

En fait, plus il la regardait, et plus il avait d’idées, elles foisonnaient si vite qu’il avait à peine le temps de les saisir.

- Enfin nous verrons ça plus tard. Une chose à la fois. Donc seriez-vous d’accord pour travailler pour moi ? Pour quelques séances de photo ? Je vais faire en sorte d’engager le meilleur photographe de l’île.
- Ah oui des photos. Pourquoi pas ? Elle lui souriait avec ce regard qui pétillait.
- Vous acceptez ?
- Oui, j’accepte !

Il lui saisit la main pour l’embrasser mais devant l’air méfiant de Salsa, il renonça à son geste, se contentant de lui serrer la main.

- Alors marché conclu. Dès demain, je vous emmène pour vous guider dans l’île.
- Me guider ?
- Comme vous venez d’arriver, je suppose que vous n’avez pas encore visiter l’île ?
- Pas encore non
- Alors laissez-moi m’en occuper.

Il se réjouissait déjà.
Ah oui il ne fallait pas oublier de prévenir les autres quand même. Le programme de la production allait sans doute se trouver bouleverser par cette nouvelle recrue. C’était génial, vraiment génial. Et il avait encore de nouvelles idées.

Demain ? Oui, après tout, elle n’avait encore rien prévu, et elle ne travaillerait que le surlendemain au cabaret. Elle aurait la journée suivante pour préparer un numéro, une chanson, sans doute et…Ah oui pour le moment, elle devait se concentrer sur ce Gareth Chadway. Il était amusant avec ses idées un peu bizarres, étonnant aussi et puis s’il lui proposait de l’emmener visiter l’île, elle n’allait pas refuser.

- Vous avez une voiture ? demanda-t-elle soudain ce qui le fit rire.
- Oui bien sûr
- Alors c’est super ! Vous viendrez me chercher ?
- Oui oui, ne vous inquiétez pas, à quelle heure puis-je passer ?
- Euh et bien après le petit déjeuner ?
- C’est parfait !
- Oui ! enchérit Salsa qui du coup se réjouissait.

Tout à coup elle réalisa.

- Enfin là il va falloir que je rentre
- Et moi aussi.
- Ah, chez vous ?
- Euh… à vrai dire j’ai loué une chambre à l’hôtel.
- Vous habitez où sinon ?
- Et bien…. Pas très loin d’ici.
- Ah…

Salsa était perplexe et il y avait de quoi. Pourquoi dormait-il à l’hôtel s’il habitait dans le coin ?
Et comme s’il avait entendu sa réponse, il lui répondit :

- Oui je sais, vous allez encore vous dire que je suis un type bizarre.

Il lui fit un adorable sourire…contagieux :

- comme je vous l’ai dit, je souhaitais vous rencontrer, j’ai choisi un moyen comme un autre. Un hôtel me semblait parfait.

Elle rit :

- vous êtes en train de me dire que vous avez loué une chambre dans cet hôtel juste pour me rencontrer ?
- en quelque sorte oui.
- C’est sûr que vous n’êtes pas un type ordinaire, dit-elle non sans un sourire amusé.

Mais à présent, il ne lui paraissait plus aussi fou et bizarre qu’au départ, juste… juste très décidé à obtenir ce qu’il voulait et finalement le résultat était plutôt flatteur, puisque c’était pour elle qu’il avait fait ça…
Elle voulut sortir son portefeuille pour payer le café, mais il retint son geste.

- Non laissez, c’est la moindre des choses…

Elle se leva une fois qu’il eut payé la note et le précéda à l’extérieur, se dirigeant en sens inverse pour regagner leur hôtel.

- Attendez, on va prendre un taxi, ça sera plus simple, d’accord ?
Elle le regarda et puis sourit.

- D’accord !

>> suite